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Scandale à la taverne !
L'identité cachée de l'Orc Sans Nom enfin révélée !

Il y a quelques jours de celà, un de mes informateurs m'a mis sur la piste d'un des plus importants scoops de notre siècle, et l'enquête qui s'en suivit ne fut pas sans risque pour moi même et mon photographe, Vind'kat Pauz', qui m'accompagna dans mes recherches.

Comme toutes les semaines à la même heure, je me dirigeai vers une auberge dont je tairai le nom, pour protéger mes informateurs, afin d'y glaner les quelques informations plus ou moins intéressantes que me livrait régulièrement un homme du coin, que pour des raisons de confidentialité nous appellerons Bile Guét'z. Lorsque j'arriva dans la taverne, il était déjà au bar, et buvait de l'hydromel dans une des chopines vaguement propres de la taverne. Nous discutâmes discrètement pendant quelques minutes, les banalités habituelles - pluies de grenouilles, naissances de veaux à 6 têtes, etc. - puis dans un souffle, mine de rien, il me lâcha, tel une bombe, l'info du siècle !

- Z'êtes au courant pour c'tte histoire d'Orc Sans Nom ?
- Mais bien sur, tout le monde l'a vu, c'est loin d'être un exclusivité mondiale !
- Non, j'dis pô, mais… 'savez pô d'où elle venait ?
- Elle ? C'était une femelle ? J'avoue que je ne l'ai pas vraiment regardé…
- Ouais m'sieur, c't'une "elle" et elle a pô disparu, j'sais où elle s'cache, et mieux, ch'ais pourkoi !

Et voilà comment un banal fait divers se retrouva au cœur d'une intrigue longue et compliquée. Nous fûmes interrompus à cet instant par le tavernier qui s'est empressé de nous offrir un verre à chacun, et après avoir lancé un regard noir vers Bile, s'en alla essuyer les verres à l'autre bout du bar. Malheureusement, après avoir lâché cette information capitale et appétissante, Bile se referma comme une huître qui aurait avalé du Supairgluh* et je ne pus plus rien tirer. Il partit avec hâte, prétextant un rendez vous chez le docteur, ce qui aurait déjà du me mettre une puce de plus à l'oreille (ben quoi, c'est pas toujours facile de veiller à son hygiène personnel quand on enquête sur le terrain !) et je ne le revis pas vivant. Quelques heures plus tard, on le retrouva flottant dans la mare devant la taverne, raide mort, et personne - comme d'habitude - n'avait rien vu.

Evidemment, cette histoire occupa mes pensées pendant le voyage de retour, et lorsque j'appris lors d'une halte la mort de M. Guét'z je me rendis compte que ce n'était pas un secret de pacotille qu'il m'avait révélé, mais bien la pointe de l'Iglootis**. En rentrant au local du Pigeon, j'allai directement contacter Vind'kat Pauz' qui développait ses dernières photos dans la chambre noire. Il arriva, reboutonnant son pantalon, suivit de près par la belle mais légèrement décoiffée Lara Khroft, notre secrétaire (enfin, désormais ex-secrétaire au chômage, allez savoir pourquoi !) et je lui contai l'histoire en entier. Nous partîmes de suite, Vind'kat étant aussi impatient que moi de connaître le dénouement de cette histoire.

Je vous épargne le récit de nombreux interrogatoires que nous dûmes effectuer aux 4 coins du continent, des ivrognes que nous avons soudoyé, des embuscades que l'on nous a tendu, et de toutes nous aventures, vous pourrez les lire dans mon livre "A la poursuite de l'ombre verte" aux éditions Kissli Ovécé. Toujours est-il qu'au fur et à mesure que nous progressions dans nos aventures, il apparaissait de plus en plus clairement - vu le nombre de cadavres qui jonchaient notre route - que ce secret bien gardé n'était pas bon à dévoiler. Mais la solution de l'énigme était désormais aussi claire à nos yeux, et nous rentrâmes au Pigeon pour mettre cette histoire au propre.

Malheureusement, aucune des photos de Vind'kat Pauz' n'est publiable dans un journal de notre réputation ma foi fort respectable, mais ce n'est pas grave, car cette histoire se passe d'images, les faits suffiront à eux même. Voici donc l'histoire telle que nous avons pu la reconstituer, de l'orc sans nom…

Il y a bien des lunes de cela, notre tavernier qui n'était pas encore marié, connut la tentation sous une forme bien étrange. Une Orquesse des forêts du nord logea quelques jours à la taverne, et lors des longues soirées, elle en vint à discuter longuement avec le tavernier. Allez savoir pourquoi, et n'essayez même pas d'imaginer comment, mais ils connurent une nuit d'amour torride sur une peau de bête devant la cheminée de la taverne (ben quoi, on a fait avec les infos qu'on a trouvé, forcément, y'a un peu de cliché là dedans !) puis la belle orquesse repartit vers ses terres.

Là bas, elle se rendit compte rapidement qu'elle portait un enfant, celui du tavernier, mais sachant leur amour impossible, elle éleva sa fille - car ce fut une belle petite orque au teint Granny Smith qu'elle mit au monde - sans jamais lui parler de son père. Une fois arrivée à sa majorité, à 14 ans (eh oui, c'est précoce, les orcs !) elle commençait pourtant à être plus curieuse sur ses origines, et ses envies de vadrouille faisait craindre à sa mère qu'elle ne découvre un jour la vérité par elle même. Elle lui raconta alors toute la vérité, et en passant lui déconseilla l'amour sur peau de bête, à cause de toutes les saletés qui traînent dans les poils…

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La jeune orque ne comprit pas tout de suite que l'amour de sa mère et du tavernier était vrai, et elle fut remplie de rancune envers lui et toute l'espèce humaine. La nuit même, elle s'enfuit pour retrouver son père. Elle traversa tout le continent, cherchant cette taverne, et finit enfin par le trouver, par une nuit d'orage, et trempée et épuisée, elle frappa à la porte.

- Désolé, on est fermés !
- Je… je ne viens pas pour boire, je cherche… je cherche un abri pour la nuit…
Le tavernier ouvrit la porte d'un cran, et vit la petite orque tremblotante de froid sur son paillasson.
- Ma pauvre petite, viens, entre te mettre auprès du feu, je vais t'amener une couverture !

Elle avait prévu de débarquer en cassant tout sur son passage, et l'engueuler copieusement, avant de le frapper… ou alors pendant, voire même après !… mais là, elle était prise de court, la fatigue, la pluie, le voyage l'avaient affaiblie, et elle fut prise de court par la gentillesse du tavernier. Elle entra, et s'affala sur un tabouret à coté du feu. Le tavernier lui porta une couverture, ainsi qu'un grand bol de soupe aux squigs. Elle leva les yeux vers lui, reconnaissante et intriguée, c'était donc lui, son père, celui qu'elle cherchait depuis si longtemps…

Lorsqu'il vit son visage, dans la lueur vacillante du feu, il se demanda… non, c'était impossible, pourtant, elle ressemblait tant à… non, impossible, et puis, les orcs se ressemblaient tous…

- Alors, ça va mieux ?
- Oui… merci…
- Alors, qu'est-ce que tu es venue faire ici ? Comment tu t'appelle ?
- Je suis… je… je m'appelle Marguerite…
- Marguerite ? C'est un nom étrange pour une orque… De quelle région viens-tu pour avoir un nom pareil ?
- Je… viens des forêts du nord. Mon… mon père était humain…

Elle regarda ses pieds en disant cela, serrant la couverture encore plus autour de ses épaules. Le silence du Tavernier dura un moment, après quelque temps, elle leva les yeux, et vit une larme scintiller sur la joue barbue de l'homme, vit une grande tristesse, une mélancolie dans ses yeux, vit qu'il avait tout compris, en un instant. Il s'approcha d'elle, la serra dans ses bras, malgré ses habits et cheveux trempés, et son odeur de fennec humide.

- Ma petite ! Ma pauvre petite ! Et tu es venue ici toute seule ? Ta maman ne t'a pas suivie ?
- Non, elle ne sait pas que je suis là…

Il la tint à bout de bras, pour mieux la regarder. Elle était presque aussi grande que lui, mais il ne pouvait que la voir "petite", elle avait l'air bien perdue, et elle ressemblait tant à sa mère ! Mais comment faire, comment avouer à sa femme, à ses enfants, qu'il avait aimé une orquesse ? Comment leur faire comprendre ? C'était impossible !

Il regarda cette jeune orque, se demanda ce qu'il pouvait bien faire pour elle, pour… sa fille ! Puis il lui vint une idée…

- Dis moi, ma chérie, tu aimerais, rester ici, avec moi ?
- Comment ? Ici ?
- Oui, ici… Viens, je vais t'expliquer…

Il lui fit promettre de ne jamais parler de cette histoire à quiconque, d'éviter de parler aux clients, et dire uniquement à sa femme qu'elle était venue chercher fortune, et ainsi, elle pourrait travailler dans la taverne, faisant le ménage, et elle pourrait ainsi être auprès de son père… Tôt ou tard, il annoncerait à sa famille la vérité, mais il lui faudrait du temps…

Cette jeune orque a grandi, on l'a tous croisé à la taverne, n'y prêtant guère attention, ne sachant même pas son nom. Elle se fit plus ou moins oublier de tous, on la surnomma à force "l'orc sans nom". Mais les critiques sur son travail, les moqueries, les railleries des clients finirent par la faire sortir de son silence, pour crier enfin son nom : MARGUERITE !

Souard Hétai, envoyé spécial

* Substance collante que l'on trouve entre les orteils des squigs pendant leur période de rut, et qui a pour réputation de coller n'importe quoi !

** Lorsque l'on voit une tête d'Iglootis sortir d'un de leurs tunnels souterrains, coiffé d'un de leurs casques pointus, on en voit souvent arriver d'autres, en général armés, pour vous demander ce que vous foutez là, et le cas échéant, vous foutre dehors à grands coups de pied dans le derrière. D'où l'expression...


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